"Le retour fait aimer l'adieu" disait Alfred de Musset. Aujourd'hui, le magazine Bakchich est en liquidaction judiciaire et rend les armes, après 5 ans d'existence, en publiant son dernier numéro (dispo en ligne gratuitement). Celui qui perpétuait la lignée à la "Charlie Hebdo" et "Canard enchaîné" ne peut plus continuer la course faute de finances. Le soutien d'Isabelle Adjani n'aura pas suffit à la cause.
Une belle débacle a saluer tant les équipes et rédacteurs étaient sympathiques, tant les reportages étaient dénués de tous sens politico-commercial et respiraient tant la liberté et la dérision. C'est d'ailleurs ça qui les a tués.
Dans un dernier édito émouvant (13 janvier), Nicolas Beau clôturait l'aventure en annonçant la fin du magazine et revenait sur son histoire et targuant que la vraie mission du journaliste avait été accomplie avec honneur et fierté.
" Comme dans les films d’Hollywood, quand la musique de fin étire tout le crin de l’archet sur les violons, nous disparaissons aujourd’hui avec un petit souffle de certitude : avoir tenté de changer une poussière d’histoire, avoir parfois allumé un briquet dans la caverne des illusions. "
" La mission est de découvrir la face cachée de l’information, de gratter là où cela fait mal, d’apparaître là où on ne nous attend pas. Chercher, vérifier, interroger, déchirer le rideau des apparences. Atteindre, enfin, la réalité qui mord et qui résiste. "
Les news de ces dernières semaines étaient ponctuées de quelques blagues de "pot de départ" et d'actualités tranchées, comme à l'image d'un soldat accomplissant sa mission jusqu'au bout. Le mélo était là... si si, je vous assure.
La mort d'un journal indépendant est toujours une perte, surtout lorsque, comme Bakchich, le site internet était développé et que l'équipe avait compris le réel intérêt d'une source gratuite en ligne. Cela ouvre donc d'autres questions sur l'avenir de la presse indépendante face aux géants qui "vendent de plus en plus leurs âmes éditoriales" à la news de bas étages. A l'image de grands journaux tels que Le Monde, Le point ou L'express (pour ne citer qu'eux) qui ont été si décevants en 2010.
Ils ont tenu 5 ans. 5 ans avec un modèle économique insuffisant : publicités google sur le site, abonnement en ligne pour les "off", magazine en kiosque... Il y a deux ans, début 2009, ils expliquaient, tout en transparence, leur modèle de fonctionnement :
" Le budget mensuel de Bakchich s’élève à 60000 euros. Soit, pour l’essentiel, les douze salaires que nous versons aux salariés du site, tous titulaires d’un CDI, e t les piges bien modestes consenties à nos pigistes et autres compagnons de route. Les journalistes de Bakchich reçoivent entre 1200 et 3000 euros par mois. "
Mais l'effort et les idées n'ont pas suffit.
Alors bonne route à toute l'équipe, en espérant que vous ne restiez pas très loin pour une prochaine aventure !
" Après presque 5 ans d’existence, Bakchich, en liquidation judiciaire le 26 janvier, cesse d’actualiser ce site. Et laisse des milliers d’articles, de dessins et les hebdos en libre consultation. Ce n’est qu’un au revoir, qui sait ? "